Ces dernières années, les projets de réhabilitation de bâtiments historiques en commerce se sont multipliés et ont gagné en visibilité.

Une distinction doit s’opérer entre la réhabilitation de bâtiments historiques à l’origine destinés au commerce, tels que la Samaritaine ou le Marché Saint-Germain à Paris, et celle d’autres équipements transformés comme les Docks Vauban au Havre ou le magasin Uniqlo du Marais à Paris.

Ces deux catégories présentent des avantages similaires, parmi lesquels une identité architecturale et historique revendiquée. En effet, les bâtiments sujets à ce type d’opération font partie intégrante du patrimoine urbain. En incarnant l’histoire et l’identité de leur ville, ils sont souvent objets d’un attachement particulier des habitants et des pouvoirs publics. Eléments culturellement et financièrement appréciés pour la restructuration de quartier, ils sont centraux dans le phénomène de gentrification (« embourgeoisement »). Un exemple emblématique de l’ampleur, la médiatisation et la valorisation de ce type de projet est la restructuration de la célèbre Battersea Power Station à Londres, dont l’ouverture complète est prévue pour 2020.

Toutefois, ces projets font face à des challenges différents.

L’identité commerciale et l’intégration au parcours marchand d’un quartier sont facilitées pour un projet de réhabilitation d’espace commercial existant. En effet, l’identité commerciale du projet est historiquement établie et il s’agit donc de la faire renaître plutôt que de la créer. Depuis sa création le Marché Saint-Germain est, comme son nom l’indique, un marché, et par conséquent une destination commerciale. Par ailleurs, les bâtiments sont inscrits dans des quartiers déjà commerçants eux-mêmes, bien que leur place et leur rôle doivent être redéfinis. Par exemple, la Samaritaine se trouve rue de Rivoli, axe commerçant à l’environnement établi.

Commerces dans des bâtiments historiques perspective Marché Saint Germain Samaritaine

Perspectives du Marché Saint-Germain (source : marchesaintgermain.com) et de la Samaritaine (crédit : Studio Cyrille Thomas)

Au contraire, dans le cas d’une restructuration de bâtiments historiques non-commerciaux, tels qu’un entrepôt ou un atelier, l’intégration du commerce fait face à d’autres problématiques. Dans un premier temps, la commercialité du quartier doit être créée si elle n’est pas existante. Ainsi, les Docks Vauban au Havre sont d’anciens entrepôts situés au cœur de l’ancien quartier portuaire et industriel de la ville. Ils font partie du projet de réhabilitation du quartier dont un des objectifs était de rediriger les flux et créer de l’attractivité via, entre autres, la conception d’un pôle commerçant. Dans un second temps, bâtiment rénové doit concilier architecture d’origine et aménagement commercial. Le magasin Uniqlo du Marais ne dispose pas de façade sur rue, élément essentiel à la commercialité d’un local, mais est situé au fond d’une cour donnant, certes, rue des Francs-Bourgeois.

commerces dans des bâtiments historiques Docks Vauban Le Havre et Uniqlo Marais

Uniqlo Marais, Paris (source : uniqlo.com) et Docks Vauban, Le Havre (source : convergences-cvl.com)

Avec l’opportunité de créer un magasin dans un bâtiment historique, les enseignes font face à des enjeux contradictoires : l’optimisation commerciale d’un emplacement vs. la valeur marketing d’un flagship potentiel. A l’heure où les initiatives se multiplient pour trouver des alternatives à l’uniformisation des produits et à la banalisation des marques, ces pans du patrimoine sont vecteurs d’identité et de différenciation auprès des consommateurs.


Cet article a été rédigé par Fanny Lerosier, analyste pour le compte de notre partenaire Savills France, cabinet de conseil en immobilier d’entreprise.

Alexis Estevao